Je suis allée la chercher à l'école comme tous les mercredis à midi. Il était midi pile, l'heure de la sirène du premier mercredi du mois, ce mercredi 7 janvier. J'avais mis des frites dans le four, je savais qu'elle serait contente. Juste avant de rentrer, nous avons donné nos cartes de voeux à nos voisins leur souhaitant plein de bonnes choses. Nous avons déjeuné rapidement et je l'ai autorisé à jouer sur sa DS. C'était un mercredi un peu particulier, aucun devoir à faire ce qui n'arrive quasiment jamais et cours de danse annulé. Un après-midi rien qu'à nous sans aucune contrainte, aucune obligation, comme au bon vieux temps. On allait en profiter.
Pendant qu'elle jouait j'ai ouvert l'ordinateur pour lire mes mails et ma timeline Twitter vers 12h30. Charlie Hebdo, attaque, morts, blessés... Je clique sur le liens, je lis, je suis sous le choc et plus le nombre de morts augmente pendant que les noms de Cabu, Tignous, Charb et Wolinski s'affichent, moins j'arrive à croire ce qui vient de se passer.
J'entends les rires de ma fille, sa petite voix contente de réussir son jeu et je pleure en silence. Là tout de suite je n'ai pas envie la déranger, pas envie de lui raconter la folie meurtrière, la rage, la connerie, la haine. Je poste un statut sur Facebook pour déverser ma peine et ma colère. Ma meilleure amie m'appelle, on pleure ensemble au téléphone, je me suis réfugiée dans la salle de bains. On sait tout ce qui se passe dans d'autres pays, on sait les ravages de l'intégrisme, des extrémistes du monde entier depuis des millénaires, on pleure encore, on se demande pourquoi ils sont ainsi et on échafaude des histoires d'agents spéciaux qui seraient capables d'aller nettoyer le monde de tous ces ignobles individus. On a du mal à croire qu'aujourd'hui avec tous les moyens dont on dispose, il est impossible de faire taire ces enfoirés. On rêve pendant quelques instants... On se souvient d'Entebbe, prise d'otages qui a marqué notre enfance et des soldats d'élite israéliens dans les années 70, on se demande pourquoi ce genre de commando n'existe plus aujourd'hui pour arrêter les massacreurs... On ne sait plus quoi penser, quoi espérer, quoi attendre de l'avenir, on pleure... On se console comme on peut...
J'ai été incapable de faire quoi que ce soit de constructif de l'après-midi. Je n'ai toujours pas parlé à Nina, trop heureuse dans son monde virtuel où les gens sont amis, font la fête, se marient, ont des enfants. Elle décide ensuite de regarder un film et choisit "Charlie et la chocolaterie". Un Charlie se substitue à l'autre et je pleure quand Willy retrouve son père. Mais c'est pour tous les Charlie que je pleure vraiment...
Toutes mes pensées aux familles et amis des victimes....